Mesures de la RBI pour la création de crédit et le contrôle de l’inflation en Inde
Un matin ordinaire à Mumbai, le prix du sucre prend l’ascenseur, et c’est tout un quartier qui s’interroge. Derrière ce frisson sur le marché, une poignée de décideurs à la Reserve Bank of India ajuste, loin des regards, le curseur de la politique monétaire. Leur défi ? Faire circuler l’argent sans que la flambée des prix ne vienne rogner le repas quotidien de millions de familles.
Un infime changement dans les taux ou dans la manière dont les banques doivent tenir leurs réserves, et c’est l’équilibre de la classe moyenne indienne qui vacille. Alors que l’économie file à vive allure, l’inflation, elle, guette la moindre faille pour s’inviter dans chaque assiette et à chaque plein d’essence.
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Plan de l'article
La lutte contre l’inflation en Inde : enjeux et réalités
Au centre du jeu, la Reserve Bank of India (RBI) poursuit une mission de funambule : maintenir la stabilité des prix dans une Inde où tout bouge, tout le temps. L’inflation, surveillée à travers l’indice des prix à la consommation (CPI) et celui des prix de gros (WPI), impose sa loi. Entre la volatilité des prix alimentaires et les secousses du marché mondial des matières premières, la RBI avance sur un fil. Le pouvoir d’achat vacille au gré de ces variations, et derrière chaque courbe, il y a le quotidien d’une population colossale.
Une politique monétaire sous influences
En Inde, la politique monétaire s’adapte, bricole, compose. Tantôt elle insuffle du souffle à la croissance, tantôt elle serre la bride pour dompter l’inflation. Mais la RBI n’est pas seule aux commandes : le gouvernement pèse, oriente, parfois au détriment de l’indépendance de la banque centrale. L’OCDE et le FMI pointent du doigt ce flou autour des objectifs d’inflation, plaidant pour plus de clarté et de rigueur dans le ciblage.
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- Depuis 2015, la RBI a mis en place un cadre de ciblage de l’inflation sur le court terme.
- Des mesures comme la loi NREGA, en dopant la demande rurale, ont poussé à la hausse l’inflation alimentaire.
Pour contenir la hausse des prix, la RBI use des recettes classiques : taux directeurs, interventions monétaires, exigences de réserves. Mais entre la poussée démographique, les chocs extérieurs et la diversité des situations régionales, la tâche relève du casse-tête. Trouver le point d’équilibre entre stabilité du coût de la vie et soutien au développement, dans une nation où la moindre flambée du prix du riz ou de l’essence se répercute sur le quotidien d’un milliard d’âmes, c’est marcher sur la corde raide.
Quelles mesures la RBI met-elle en œuvre pour soutenir la création de crédit ?
La Reserve Bank of India s’impose en chef d’orchestre du système financier indien. Pour que le crédit bancaire circule et irrigue l’économie, la banque centrale déploie des outils précis, quasi-chirurgicaux. Les taux d’intérêt directeurs – du repo rate au reverse repo rate – balisent l’accès à la liquidité pour les banques, et donc le prix du crédit pour les entreprises comme pour les particuliers.
En fixant les taux de réserve obligatoire (CRR) et le statutory liquidity ratio (SLR), la RBI impose aux banques de garder une part de leurs dépôts en réserve. Moins de marge pour distribuer du crédit, mais aussi un garde-fou contre la surchauffe et les emballements inflationnistes. Avec la Marginal Standing Facility (MSF), un filet de sécurité s’offre aux banques en quête de trésorerie de toute urgence.
- Les open market operations permettent à la RBI d’agir directement sur la masse monétaire, en jouant sur les achats ou ventes de titres d’État.
- Des crédits fléchés soutiennent les PME, l’agriculture et les publics les plus fragiles, pour une finance plus inclusive.
Depuis les grandes réformes de 1991, la RBI s’est retirée du financement direct de l’économie, préférant s’ancrer dans une finance mondialisée, surveiller les réserves de change et veiller à la solidité du secteur bancaire. Résultat : le crédit s’est transformé, désormais soumis à la discipline des marchés, sous l’œil vigilant d’une banque centrale plus régulatrice que jamais.
Entre stabilité des prix et croissance : quels résultats pour l’économie indienne ?
La Reserve Bank of India avance sur deux fronts : elle doit accompagner la croissance économique tout en préservant la stabilité des prix. Or, ce grand écart se heurte à une inclusion financière encore imparfaite, et à des inégalités persistantes. Les outils de la banque centrale – du crédit ciblé au pilotage de l’inflation – s’inscrivent dans ce jeu d’équilibriste, où chaque décision a ses gagnants et ses laissés-pour-compte.
Depuis que la RBI cible l’inflation autour des 4 % par an (avec une marge tolérée de deux points) – une stratégie adoptée en 2015 – les flambées de prix ont été mieux contenues. Mais la croissance du crédit bancaire, aussi dynamique soit-elle, ne suffit pas à résorber le chômage de masse ni à faire reculer la pauvreté. Derrière les chiffres flatteurs, la création d’emplois ne suit pas toujours.
- Une inclusion financière insuffisante limite l’efficacité des politiques monétaires sur le terrain.
- Les investissements directs étrangers et les flux de capitaux non-résidents renforcent la balance des paiements, mais accentuent la volatilité des marchés.
La Banque mondiale et le FMI mettent en lumière ce paradoxe : une croissance qui fait tourner les têtes mais dont les fruits restent concentrés. Entre influences politiques, contraintes internationales et défis structurels, la Reserve Bank of India s’efforce de contenir les déséquilibres, dans une Inde où le moindre ajustement monétaire peut changer le destin de millions de familles. La prochaine variation du prix du sucre, elle, sera scrutée jusque dans les ruelles de Mumbai.